Cyrille Abonnel

Cyrille Abonnel
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À LA CROISÉE DES RÉSEAUX

Coordinateur et chercheur associé à la Chaire RESET, Cyrille Abonnel étudie les enjeux de l’électrification dans notre société. Son parcours atypique pour arriver à la recherche se nourrit de ses nombreuses expériences professionnelles et personnelles.

Fondée en 2017, la Chaire RESET (Réseaux électriques et société(s) en transition(s)) est une chaire de sciences humaines et sociales qui étudie les enjeux de l’électrification dans nos sociétés. Les recherches menées en son sein s’intéressaient initialement à la question de l’innovation numérique et à sa transformation. Aujourd’hui, les recherches ont évolué et questionnent de façon plus large l’évolution et la numérisation d’un certain nombre d’activités quotidiennes tout en prenant en considération l’impact des enjeux environnementaux. « C’est bien de développer de nouvelles technologies et d’imaginer de nouveaux usages mais pour quelle finalité et dans quelle perspective ? » interroge Cyrille Abonnel. Cette réflexion, qui est à l’origine de la création de la chaire, est le fruit d’un long cheminement de pensée chez le chercheur.

De l’industrie à la recherche

Initialement ingénieur en hydraulique, Cyrille Abonnel commence sa carrière chez EDF où il travaille sur les énergies marines. Son poste de chef de projets de recherche et développement lui permet alors de voyager et d’aller à la rencontre des populations. Nourrissant un intérêt grandissant pour ces interactions, il entame une réflexion sur l’usage de l’espace et se questionne sur les notions de transport, d’échange, de cohabitation, de légitimité et de compromis. Partageant son temps entre centre de recherche industriel, terrain et milieu universitaire, il fait entrer en résonance les différents discours auxquels il est confronté tout en alimentant sa propre réflexion. Arrivé à Bordeaux en 2011, il entre chez ENEDIS (à l’époque ERDF) où il est amené à travailler sur des questions d’aménagement du territoire.

De nouvelles rencontres et de nouvelles expériences viennent alors alimenter sa réflexion et font naître chez lui un besoin : celui de plus de co-construction dans son travail. A la même période, il rencontre Christophe Bouneau, professeur d’histoire économique à l’Université Bordeaux Montaigne. Ensemble, ils s’interrogent sur la diffusion des savoirs relatifs à l’électrification. En effet, très peu de structures (musées, entreprises, centres de productions) ouvrent le dialogue autour de ces enjeux. De plus, lorsqu’elles existent, ces structures s’intéressent essentiellement aux moyens de production de l’énergie et n’abordent quasiment jamais la question de distribution de l’énergie.

« Il faut être moins tout seul dans son travail d’ingénieur, d’aménageur ou de chercheur et établir plus de dialogue et de réflexion commune. »

Voyant un manque de représentation et de questionnement sur le sujet, même dans le cadre universitaire, les deux hommes établissent un partenariat entre le monde universitaire et le monde industriel en créant la chaire RESET. Quelques temps après, avec l’arrivée de Jordane Provost, chargé d’étude et de développement de la chaire, l’opportunité de lancer un travail de recherche pluridisciplinaire commun se concrétise.

Nouveaux projets, nouvelles perspectives

Héritant son goût pour la littérature de sa mère qui était professeure de français, Cyrille Abonnel puise ses questionnements des nombreux ouvrages qu’il aime décortiquer. C’est en se plongeant dans la littérature de recherche sur des sujets relatifs à l’électrification qu’il découvre des écrits comme ceux du professeur en littérature Yves Citton ou de l’historien François Caron. Ces lectures apportent un éclairage nouveau à ses propres réflexions.

 

Inspiré par ses propres expériences et ces nouvelles aspirations, en 2019, Cyrille Abonnel se lance dans un doctorat afin de mettre en perspective toutes ces influences gravitant autour de la notion d’électrification. Aujourd’hui, le chercheur partage son temps entre ENEDIS, la chaire RESET et ses projets personnels. En effet, depuis quelques temps, le chercheur et sa femme ont repris l’exploitation agricole familiale. Dans la campagne corrézienne, le chercheur est confronté aux mêmes enjeux de l’électrification qu’à la ville. Cette nouvelle aventure ouvre ainsi de nouvelles perspectives à sa réflexion dans le cadre de sa thèse. « Les enjeux sont les mêmes mais les moyens et les mentalités sont différents. C’est vraiment quelque chose dont il faudrait plus tenir compte » commente-t-il.

Espérant aboutir à un système de représentation des écosystèmes (concernant les consommateurs, acteurs et exploitants industriels) au prisme de questions relatives à l’écologie de l’attention ou encore aux « utopies nécessaires », Cyrille Abonnel initie de nouvelles pistes de réflexion dans le domaine des sciences humaines et sociales. Sa position à la croisée des réseaux professionnels et intellectuels assure d’un avenir commun dans la recherche entre les milieux industriels, universitaires et populaires.

Maëlle BOUAZOUNI

Là où Cyrille Abonnel est le plus à l’aise pour travailler n’est pas un lieu matériel. « Ce qui me plait et que j’aime faire, ce sont des allers-retours entre plusieurs mondes : le monde de l’entreprise où s’applique un certain nombre de règles qui lui sont propres ; le monde académique qui applique d’autres codes ; et puis le monde agricole et artisanal qui vit plus au rythme des saisons. Ce qui est intéressant c’est que les évidences dans un monde donné ne le sont pas forcément dans un autre monde et j’ai la chance de pouvoir mettre cela en perspective. »