Didier Swingedouw
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Un chercheur dynamique pour modéliser le climat
Didier Swingedouw, chercheur CNRS en science du climat à l’Observatoire Aquitain des Sciences de l’Univers, contribue à la compréhension des changements climatiques et océaniques par l’élaboration de modèles informatiques de prévision.
Dans son bureau décoré de cartes du monde, Didier Swingedouw étudie les dynamiques climatiques et océaniques. « Je travaille principalement sur la circulation océanique nord atlantique » précise le chercheur. « J’essaie de créer des modèles de prévision des courants océaniques et atmosphériques. » Carottes de glace, cernes d’arbre, couches sédimentaires ; le chercheur utilise notamment des données d’observations paléo-climatiques, c’est-à-dire témoignant d’événements survenus il y a plusieurs millions d’années. Ces éléments permettent d’avoir une indication de la température et des précipitations du passé. En plus des analyses paléo-climatiques, Didier tente de mettre en place des outils de prévision du climat sur une période de dix ans. Le but est de comprendre au mieux l’évolution des dynamiques climatiques et de comparer les processus dominants des modèles lorsqu’ils sont appliqués à différentes échelles de temps. « Pour ce qui est des prévisions décennales, on se positionne dans le passé pour prévoir le présent », explique le scientifique. « Tous les ans, nous testons les modèles pour voir s’ils concordent avec les valeurs observées dans un passé proche, autrement dit dont on a les observations météorologiques fiables. Ils fonctionnent plutôt bien pour les températures mais malheureusement, les résultats sont plus compliqués en ce qui concerne les précipitations. »
Enfin, le chercheur travaille sur de la modélisation régionale car « toutes les régions du monde ne sont pas touchées par les changements climatiques de la même manière. Bien que la tendance soit au réchauffement globale, certaines régions se refroidissent » expose le chercheur.
L’effet « boule de neige »
Ayant contribué aux rapports du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et notamment sur le rapport océan-cryosphère de 2019, Didier Swingedouw affirme qu’il existe encore des incertitudes et donc des inquiétudes. « La communauté scientifique peine à déterminer les tendances régionales mais aussi plusieurs événements extrêmes » expose le chercheur en prenant l’exemple de la vague de chaleur survenue l’été dernier sur la côte Pacifique nord-Américaine, près de Vancouver. « Même s’ils prennent en compte le hasard, nos modèles ont été incapables de prévoir cette canicule extraordinaire » avoue-t-il.
« La disparition de la glace amplifiera le phénomène de réchauffement climatique. On fera face à un effet boule de neige »
Cependant, les chiffres ne mentent pas : les vagues de chaleur seront de plus en plus fréquentes. De plus, certaines régions comme en Europe occidentale connaitront une augmentation du nombre de pluies diluviennes tandis que d’autres s’assècheront. À plus longue échelle de temps, le niveau marin augmente dans un processus plus lent mais irréversible.
Didier annonce qu’« au delà d’un seuil, la fonte de la cryosphère, autrement dit de la glace présente sur l’ensemble du globe, sera irrémédiable. La disparition de la glace amplifiera le phénomène de réchauffement climatique. On fera face à un effet boule de neige. »
Une pression politique et climatique
En France, Didier précise que le pays devra faire face à des écarts saisonniers plus marqués du fait des modifications des circulations océaniques et atmosphériques nord-atlantique. « Cela aura une influence énorme sur l’agriculture » assure le scientifique. Les rendements agricoles se verront impactés par un étiage plus important puisqu’il y aura moins de réserve de neige en amont. Les enjeux économiques derrière les recherches du spécialiste sont donc majeurs. C’est pourquoi le domaine de la viticulture est notamment intéressé par ces résultats. Didier commente que certaines parties du monde vont plus souffrir que d’autres, créant des tensions économiques mais aussi géopolitiques. « Le sud du Sahel pourrait observer une diminution de 30 % des précipitations. Les habitants de cette région vivent de la culture vivrière. Des millions de personnes seront affectées » prévient Didier. Selon le rapport du GIEC, 2 500 gigatonnes de CO2 ont été émises depuis 1850, début de l’ère industriel, et seulement 500 autres gigatonnes peuvent être encore émises. Toutefois, le chercheur garde espoir : « le message essentiel est qu’il n’est pas trop tard mais que les dix prochaines années sont cruciales dans cette course pour le climat ».
Alban BELLOIR
« Le lieu où je me sens bien pour travailler est constitué d’une table, un stylo, un papier à relire ou à commenter, avec si possible une belle lumière naturelle de fin de journée, et du calme autour de moi pour permettre une bonne concentration et aux idées de s’éclaircir. »